Blouses blanches et colère noire
« Patriotisme républicain », c’est le nouveau mot d’ordre de Macron, faisant appel dans son discours de dimanche soir à tout ce qu’il y a de plus rance dans le champ politique, pour rassembler derrière son projet de « retour au travail ». « Dès demain », tout doit redémarrer… sauf les rassemblements, qui resteront « contrôlés ». La réponse n’a pas tardé, elle est venue des salariés de la santé en force dans la rue le 16 juin avec leurs soutiens : non seulement le virus de la contestation n’est pas canalisé mais une étape de plus est franchie dans le bras de fer avec le pouvoir.
En guise de retour à la normale, il faudrait « travailler plus, produire plus » : air connu. Mais qui va travailler plus ? Les 15 000 salariés de Renault menacés de perdre leur emploi ? Les milliers de travailleurs licenciés dans l’aéronautique ? Ces suppressions de postes sont encouragées par le gouvernement qui distribue des milliards aux entreprises qui licencient. Quand Macron parle de « tout faire pour éviter au maximum les licenciements », c’est un chantage à l’emploi qu’il adresse aux salariés pour leur imposer réductions de salaire, flexibilité et augmentation du temps de travail.Les ouvriers de Renault n’ont pas attendu le discours de Macron pour prendre leurs affaires en main. Sur tous les sites menacés, ils ont fait plusieurs journées de grève et de manifestation, n’obtenant pour le moment que de vagues promesses de non-fermeture. La lutte n’en est qu’à ses débuts. La direction cherche à mettre les travailleurs en concurrence pour leur emploi. Il faudra au contraire se mobiliser tous ensemble, travailleurs de chez Renault, mais aussi des autres entreprises qui licencient.
« Pour détruire le racisme, renversons le capitalisme »
Alors que des jeunes, par dizaines de milliers, se sont encore rassemblés samedi partout en France contre le racisme et les violences policières, Macron a préféré couvrir les agissements de la police. Dans son discours, il s’est adressé en priorité à l’extrême droite en dénonçant le « communautarisme » et un prétendu « séparatisme ». Que de larmes versées sur quelques statues de héros du colonialisme ou de la traite des Noirs. Pas un mot pour les victimes des violences policières et du racisme.
Unifier les colères
Tout à son autosatisfaction sur la gestion de la crise sanitaire, Macron a osé prétendre que « l’ensemble des malades qui en avaient besoin ont pu être pris en charge ». Un mensonge éhonté pour faire oublier le manque de moyens et de personnel dans les hôpitaux et les Ehpad. Mais plus question pour les hospitaliers d’accepter les bas salaires et les conditions de travail dégradées. Leur mobilisation a repris le 16 juin : ils sont descendus nombreux dans les rues de plus de 220 villes. Chaque hôpital, clinique ou Ehpad avait son cortège de salariés en colère. « Ségur = imposture » indiquaient les pancartes : cette négociation bidon lancée par Macron sert en réalité à préparer une nouvelle attaque, avec un retour aux « 39 heures » destiné à imposer de nouvelles suppressions d’emplois.
Les revendications des hospitaliers ont été chantées haut et fort dans tout le pays : arrêt des suppressions de postes, 300 euros d’augmentation par mois pour toutes et tous, des centaines de milliers d’embauches pour alléger la charge de travail. Ces revendications sont celles de tout le monde du travail, ainsi que de sa jeunesse que le cours actuel de la crise condamnerait sans cela au chômage.
« Hôpital asphyxié – I can’t breathe » pouvait-on lire sur une banderole en référence au mouvement de la jeunesse contre les violences policières. C’est toute la société qui étouffe sous le poids du grand capital. Le bras de fer est engagé. Le camp d’en face est déterminé mais si les colères s’unifient, contre les licenciements, contre le racisme et pour les services publics, le monde du travail peut l’emporter.
Un Technocentre aéré
L’Ingénierie/Tertiaire est concernée au premier plan par les 4600 suppressions d’emplois décidées par Renault en France : 1500 postes seront supprimés à l’Ingénierie et 1000 dans les fonctions supports (Achats, Qualité…). Le Technocentre perdrait au moins 1500 salariés Renault. A cela, il faut ajouter les milliers de prestataires qui ont été et seront remerciés. Une véritable hécatombe. Et tout cela est censé sauver Renault selon la direction. La pratique de la saignée a été abandonnée depuis longtemps en médecine : au lieu de sauver les malades, ça les faisait crever.
Volontaires, désignez-vous !
Le président de Renault, Jean-Dominique Senard, assure que les suppressions d’emplois se feront sans licenciement sec. Sauf que les départs « naturels » (démissions, retraite, GPEC…) ne suffiront pas. Selon les projections de la direction, il manquerait 1150 salariés supplémentaires à virer. Celle-ci compte mettre en place un plan de départs « volontaires ». Quand son site ferme ou son activité est transférée, tu parles d’un volontariat !
Intelligence avec l’ennemi
Interviewé sur TV78, un responsable de la CFDT du Technocentre estime qu’il faut maintenant aider la direction de Renault à « piloter la décroissance des effectifs » mais « de façon intelligente ». Une autre façon de dire qu’il s’agit d’aider Renault à faire passer la pilule des suppressions massives d’emplois et de la dégradation des conditions de travail pour les salariés qui resteront en poste. Aider Renault à dégraisser, ça ne peut pas être une option.
Renault ronge son Flins
Mercredi 17 juin, une nouvelle journée de grève a eu lieu à Renault Flins. La veille lors d’un CCSE, la direction centrale avait confirmé la fin de l’assemblage de véhicules d’ici 2024 et la suppression d’un millier d’emplois. Sauf que personne ne croit aux promesses de la direction censées compenser l’arrêt de la production de la Zoe.
Jamais Flins sans les autres
Plusieurs centaines de salariés de Renault Flins ont débrayé mercredi 17 juin matin. Ils se sont rassemblés devant l’usine, où des délégations de nombreux sites Renault les attendaient : Choisy, Cléon, Lardy, Le Mans, Technocentre… Les grévistes sont ensuite partis débrayer l’équipe d’après-midi. Un avertissement pour Renault et le gouvernement sur la volonté des salariés de défendre leur emploi. Prochaine étape, une manifestation centrale de tous les salariés de l’automobile ?!
Ce que le jour doit à la nuit
Jeudi dernier à Flins, les travailleurs de l’équipe de nuit ont massivement débrayé contre le plan de restructuration annoncé fin mai par Renault. Ils ont été suivis par une partie de l’équipe du matin, et c’est près d’une centaine de salariés qui se sont retrouvés à 8h devant les bureaux de la direction pour exiger le maintien de tous les emplois, y compris celui des intérimaires et sous-traitants. Ce premier mouvement de grève à Flins, qui suit les réactions massives des salariés aux Fonderies de Bretagne, à Maubeuge ou à Choisy, confirme que les travailleurs de Renault n’acceptent ni les fermetures de sites ni les suppressions d’emplois.
L’AG fictive
L’Assemblée Générale des actionnaires de Renault aura lieu vendredi 19 juin. La Direction n’étant pas à une contradiction sémantique près, elle se tiendra à huis clos « hors la présence physique des actionnaires et des autres personnes ayant le droit d’y participer ». Sous couvert de mesures barrières, c’est au passage un bon moyen pour le Conseil d’administration d’éviter la grogne des petits actionnaires. Leur grogne, les salariés devront quant à eux l’exprimer dans la rue et par la grève.
Le retour du plombier polonais
Avec ses opérations de prêt de main-d’œuvre entre usines du groupe, la direction de PSA organisait déjà depuis belle lurette la concurrence entre ses salariés en France. Maintenant, elle cherche à l’étendre en Europe, en faisant venir au « volontariat » des ouvriers polonais d’Opel-Gliwice aux conditions inférieures à celles des salariés de PSA.
Le gouvernement et de nombreuses personnalités politiques sont montés au créneau : les polonais prendraient le travail des intérimaires mis à la porte par PSA ou au chômage partiel. De la pure démagogie : ce ne sont pas les travailleurs polonais qui menacent l’emploi des travailleurs français, mais des patrons bien français avec leur course au profit et à la productivité.
Solidarité avec les travailleurs sans-papiers
Les travailleurs sans-papiers, la plupart « essentiels » et au front pendant la crise sanitaire, exigent leur régularisation. Un minimum ! Ils avaient lancé avec courage la vague actuelle de manifestations avec des rassemblements interdits mais réussis dès le 30 mai.
Après les personnels de santé le 16 juin, eux aussi au front pendant la pandémie, les travailleurs sans-papiers appellent à redescendre dans la rue samedi 20 juin. Tous à leurs côtés, solidarité !